Josette BOURNET, peintre (1905-1962) – Le parcours

par Véronique Lacroix et Jeanne Virieux *

Josette Téreille est née en 1905 à Vichy. Sa famille, aisée et cultivée, a des attaches dans le Puy-de-Dôme voisin — à Châteldon en particulier, où Bournet reviendra régulièrement séjourner par la suite.

C’est en apparence presque par hasard, à l’occasion de vacances à Cannes et à l’instigation de sa sœur cadette, étudiante aux Arts-déco à Nice, que cette jeune femme précoce (mariée en 1921 et mère d’une petite fille en 1924) s’essaie à dessiner et peindre sur le motif en 1925. Corrigeant les travaux de son élève, le peintre Jean Denisse s’enthousiasme pour les croquis de l’aînée, en laquelle il discerne un véritable talent de peintre. Lui prodiguant encouragements et conseils, il l’incite à s’inscrire aux Ateliers d’Art Sacré fondés à Paris en 1919 par Maurice Denis et Georges Desvallières, qui en assurent la co-direction. C’est chose faite en 1928. En dépit de l’orientation catholique des Ateliers, assez éloignée des convictions de Bournet, l’artiste tire grand profit de l’enseignement qu’elle y reçoit et manifestera, sa vie durant, un loyalisme sans faille envers ses premiers maîtres. Les Ateliers regroupent en effet une pléiade de peintres, graveurs, imagiers, sculpteurs, etc., dont nombre de femmes, qu’anime l’ambition de renouveler l’art sacro-religieux. Ce grand dessein requiert-il des artistes foi en Dieu ou sens métaphysique du mystère ? Faut-il chercher une « manière chrétienne », qui se caractériserait par une technique, un style ou un système de règles ? Les réponses resteront, en pratique, ambiguës. Quoi qu’il en soit, par l’intérêt qu’ils portent aux questions plastiques, esthétiques et philosophiques, par les investigations qu’ils conduisent sur les techniques anciennes (procédés de peinture, supports et enduits; fresques et peintures murales) ou par la place qu’ils accordent à l’artisanat (vitrail, tapisserie, etc.), les Ateliers constituent un milieu extrêmement stimulant et attractif. Bournet y puisera des matériaux propres à nourrir, en partie au moins, ses interrogations. Côtoyant peintres et écrivains, elle noue à cette époque, de solides amitiés (Hermine David, Louise Hervieu, Marcel Arland, Athanase Apartis, Jean Follain, Marcel Gromaire, Edouard Goerg, Maurice Mazo, Charles Vildrac, etc.).

Parmi ses condisciples, beaucoup appartiennent également à la première École de Paris. En cette nébuleuse cosmopolite se retrouvent, tout d’abord, beaucoup d’intellectuels et d’artistes venus d’Europe centrale et orientale puis, dès le début des années 1930, de nombreux réfugiés fuyant nazisme et fascisme (Mela Muter, Chana Orloff, Matéo Hernandez, Sigmund Landau, Pietro Nenni, etc.). Bournet participe ainsi très activement, avec son second mari épousé en 1933, aux débats qui agitent l’époque et dont le quartier Montparnasse constitue, avec ses cafés, ses institutions artistiques, ses académies, ses marchands de couleurs, l’un des lieux par excellence.

Pendant une quinzaine d’années, de 1925 à 1939, l’artiste produit à un rythme soutenu. Elle dessine et peint (à l’huile sur bois ou sur toile) des portraits de ses proches et amis, quelques nus, des paysages et plusieurs compositions ambitieuses à thème religieux (Rédemption (1931-1932); Saint François quitte les trop grandes richesses (1934). Elle expose régulièrement avec les Ateliers d’Art Sacré (chez Armand-Drouan en 1929, par exemple), aux Salons d’Automne (Saint François...), des Indépendants (à partir de 1928), des Tuileries.

Survient une première rupture. Bournet, qui milite contre le nazisme et le fascisme depuis le début des années 1930 et qui apporte son soutien aux républicains espagnols puis prend part à l’accueil des révolutionnaires expatriés, interrompt toutes activités artistiques entre 1939 (en outre année de la naissance de son fils) et 1945.

L’artiste se remet au travail à la Libération. De 1945 à 1952, elle va mener à bien les recherches entreprises avant-guerre et met au point des procédés de peinture à la colle (sur fibrociment, bois, carton) et à l’œuf (sur isorel, carton, papier). Expérimentant le travail de l’argile, elle réalise également, au cours de cette période, ses premières céramiques.

La mort de son mari, en 1952, interrompt brutalement cette période heureuse. L’artiste qui va désormais utiliser avec prédilection la peinture à l’œuf, réalise d’importantes séries de natures mortes et, par une sorte de retour sur elle-même, revient aux grandes compositions religieuses exécutées à la tempera (Annonciation à l’église de Châteldon, 1953; Annonciation au séminaire Saint-Paul à Cannes, 1957; Déposition du Christ à l’église Saint-Louis à Vichy, 1961) ou à la fresque (chapelle de la Vierge dans l’église de Châteldon, 1954; église Saint-André à Nice, 1959). Bournet qui partage maintenant sa vie entre Paris, Nice et Châteldon, expose à Nice entre autres (notamment, en 1955, avec Muter, Arman, Chagall, Cocteau, de Staël). Elle rend, en 1961, avec l’aide du peintre Mac Avoy (vice-président du salon d’Automne) un hommage marqué à ses maîtres Maurice Denis et Georges Desvallières. Elle meurt prématurément à Nice en 1962.

* Texte extrait de la brochure réalisée pour l’exposition Une élégance éclectique : Josette Bournet, peintre (1905-1962), à Clermont-Ferrand, du 15 novembre au 24 décembre 2004.